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Chapitre 1
Mamita (Dame Énergie) et Pépito (Sire Matière)

Ce matin, j’ai rencontré Mamita. Elle est si légère, que le moindre souffle d’air la fait s’envoler. Elle aime sautiller et bondir au-dessus de nous. Elle valse comme une gitane, emportée par une danse oubliée. Elle abandonne sur son passage une douceur évanescente, diffusant des parfums de fleurs, lilas,  jasmin, rose ou bleuet. 


Elle vit ici ou là, chaque recoin de l’espace lui appartient. 


Mamita est Dame Vibration. Joyeuse et posée, elle sent qu’au fond d’elle-même quelque chose lui manque, un petit plus qui lui permettrait d’être totale dans toutes ses dimensions. Afin d’exister, elle a besoin de la matière. Elle a besoin d’habiter une forme, car c’est cela qui la détermine. 


Un autre matin, j’ai rencontré Pépito, personnage de toutes les situations. Si vous avez besoin de quelqu’un  il répond présent. Il n’existe que pour cela. 


Laissez-moi vous le dessiner. Il est un cube, un angle droit ou un carré. Il revêt les formes géométriques. Il représente la droiture même et tout se règle au millimètre. Il est à l’aise dans l’océan des mathématiques.


Pépito est Sire Matière. Heureux et posé, il sent qu’au fond de lui-même quelque chose lui manque, un petit plus qui lui permettrait de s’épanouir. Il ressent le besoin de s’harmoniser avec l’énergie.

 

Conscients de leur infortune, Dame Energie et Sire Matière se sentent imparfaits dans leur structure. Et au fil du temps, ils en éprouvent de la tristesse. Démunis, chacun décide de s’isoler, privant par la même occasion, les autres de leur présence.


Elle sans joie et lui, au fond d’une forme indéfinie. 


Le village et la forêt ressentirent leur tristesse et décidèrent alors de réunir le grand conseil des Sages. Mais comment les aider sans faire les choses à leur place ?


Depuis toujours dans cette forêt, vivaient des peuplades d’origines diverses. Ces tribus ne se connaissaient pas, mais se partageaient les mêmes ressources. Par convoitise, elles se faisaient sans cesse la guerre. Et lors des derniers affrontements qui avaient décimé de nombreuses fratries, il fut décidé par les chefs de chaque clan de mettre fin à ces guerres. 


De là est né le conseil des Sages. Celui-ci est composé de plusieurs membres de chaque monde : le monde minéral, le monde végétal, le monde animal, le monde humain mais aussi les êtres de la nature (elfes, gnomes, lutins, nains, dryades, sylphides..).


Il en est un, très présent lors de ces rassemblements, qui est le Menhir. Il fait partie du monde minéral et, dans son langage de pierre, persuade le conseil des Sages d’aider ses amis. 


A côté du Menhir se tient Caillasse, une minérale bien râleuse qui profite de cette occasion pour dire ce qu’elle en pense.


−    Hé ! chacun doit se débrouiller seul, dit-elle. Pourquoi les aider, eux ! Et moi alors… 


Le sage Menhir l’interrompt :
−    Ne grogne pas ainsi petite Caillasse ! Mamita et Pépito sont aussi une part de nous !

 

Alors les aider servira l’Univers. Tout ce qui sera fait, sera bien fait !
−    Ouais, on a qu’à dire ça. Toujours les autres, moi, on peut me fouler du pied, me faire grincer telle de la pierraille, cela ne gêne personne ! 

 

Menhir soupire et lui dit :  
−    Mon amie Caillasse, j’entends ce que tu dis. Que dis-je, j’entends tes grognements, voire tes grincements. Toutefois, nous ne parlons pas de toi, mais de Mamita et Pépito. Dois-je te rappeler qu’ils se sont retirés de la vie. C’est pourquoi en cet instant, je te propose de te taire et d’écouter ! 

 

Caillasse se retourne vers ce qu’elle croit être ses amies les pierres semi-précieuses, espérant une réaction, un soutien de leur part. Mais celles-ci font la sourde oreille, lassées des habitudes de leur amie. 

 

Aussitôt, Caillasse boude et pense à voix haute. 
˗    Que les copines viennent me chercher pour jouer. Que dalle ! 

 

Le Chêne, roi du monde végétal prend la parole. Cet arbre si majestueux, source inépuisable de force, de générosité lève ses branches et demande le silence, tentant de calmer le brouhaha.

 

Le Hêtre, plein de confiance, de patience et de douceur ainsi que l’Érable, indépendant et libre, se mettent à rire, que dis-je à s’esclaffer tant le chêne était comique.

 

Imaginez un instant un grand chêne toutes branches levées, qui demande le silence à une assemblée assise face à lui. Vous pouvez soit craindre la foudre de cet arbre ou bien vous amuser du contraste. Lui, si grand, et eux si petits, mais ne vous y trompez pas, … le roi-

Chêne est douceur et noblesse. 
˗    Mes amis de la forêt, je vous demande le silence. Nous sommes devant un dilemme : que faire pour nos compagnons Mamita et Pépito ? Sans se connaître, ils se perçoivent et de là est né leur mal-être. 
−    Que pouvons-nous leur suggérer sans les obliger à quoi que ce soit ? Je propose juste un petit coup de main, trois fois rien.

 

L’assistance attentive réfléchit. 

 

Chaque membre de cette assemblée est un maître qui, grâce à ses connaissances et à son expérience, a acquis la sagesse. Au fil du temps, chacun a mérité le respect et l’affection de ses pairs.

 

Dénothor représente les Tenaga, peuple d’elfes issus de la forêt et membre du clan de la terre du Milieu. 

 

Les sylvestres nommés aussi comme cela, sont les protecteurs de la forêt et celle-ci le leur rend bien. Leur mode de vie a marqué leur morphologie et, depuis, ils se sont adaptés à la vie sauvage de la forêt et en ont acquis une certaine forme de beauté. Leurs cheveux sont foncés et longs. Leur peau est bien plus mate que celle de leurs cousins, les elfes nordiques. D’ordinaire peu bavards, ils choisissent avec soin ce qu’ils sont prêts à révéler. En présence d’étrangers, ils sont très méfiants et ne se livrent pas. 

 

Dénothor a été choisi pour ses particularités : il aime la musique et les tours d’illusion, défie la gravité, transforme la matière et lit dans les pensées. Le poste d’ambassadeur lui a été confié par son peuple parce qu’il est le plus sociable d’entre les siens. Il se lève et propose :
˗    Mes amis, pourquoi ne pas faire une grande fête pour Mamita et Pépito ? Tous les représentants de la forêt seraient présents avec leurs belles dames de compagnie. On dansera, on chantera et ils finiront bien par rire eux aussi ! 

 

Cette proposition ne convainc pas le comité et soulève un flot de paroles. Une cacophonie résonne dans la forêt où chacun lance son idée. Chacun intervient, à sa manière.

 

Soudain, une rafale de vent surprend les Sages et leur impose le silence. Apparu alors un imposant dragon.

 

Il se nomme Yakampatta. Il possède deux ailes reliées à la base du dos. Il est recouvert d’écailles bronze en forme de gouttes d’eau. C’est un dragon puissant qui, en des temps très reculés, s’est fait connaître des hommes par des aventures plus fantastiques les unes des autres. Le peuple des dragons a été pourchassé par les hommes qui voyaient en eux des animaux maléfiques. Yakampatta a eu l’occasion de se confronter directement à ceux-ci. Et malgré les désastres que ces derniers ont semés sur leur chemin, Yakampatta croit encore en leur bonté.

 

Il habite partout à la fois, son territoire est vaste. 


Son souffle est son arme. Lorsqu’il ne crache pas de feu pour protéger les siens ; il souffle un gaz euphorisant qui désarme son adversaire, le rendant inoffensif, dépourvu d’agressivité. L’ennemi en oublie ainsi le combat … Selon son bon vouloir, cet animal fantastique peut également se rendre invisible.


De quelques battements d’ailes, il atterrit au milieu du conseil de Sages et prend la parole.
˗    Hum, hum ! ... S’il vous plaît, ce chahut ne vaut rien,  vous êtes en même temps du même avis et pas d’accord ! Mais sur quoi exactement ? Faut-il aider Mamita et Pépito ? La question n’est pas là, elle est ailleurs. Mamita est faite de vibration et Pépito est constitué de matière. L’un ne peut aller sans l’autre, c’est pour cela qu’ils ressentent leur imperfection. Mamita, si belle, si enjouée, si dansante ne peut exister que si elle habite les formes, les choses. Sinon pschitt… tout disparaît. Pépito, si carré, si présent dans la matière ne peut exister que s’il y a douceur et vigueur. Pour vivre, ils ont besoin l’un de l’autre ! 

 

Un doux vent souffle sur l’assemblée perplexe. 


˗    Alors là, rien n’est simple ! Trop d’énergie mal canalisée pourrait perturber Sire Matière. Trop de matière sans subtilité risquerait d’éloigner Dame Énergie, dit le roi-Chêne en soupirant.

 

Le roi-Chêne n’est pas venu seul. Il est accompagné par trois nymphes. Celles-ci sont ses protectrices et se font appeler les dryades. Elles sont vigoureuses, fraîches et légères, elles aiment errer en toute liberté et surtout danser autour des arbres. La première, plus petite, toute douce, se nomme Catalina. La seconde s’appelle Séquia, elle est plus rebelle, plus joueuse et plutôt coquine. La troisième qui a pour prénom Ollya, se montre très timide et d’une extrême gentillesse. Ces demoiselles s’inquiètent.
˗    Oh que faire, alors ? S’ils ne peuvent pas se rencontrer, s’écrie Catalina, ils seront tristes à tout jamais ? Cela ne se peut pas ! 
˗    Roi-Chêne pourquoi ne pas présenter notre ami Pépito au roi-Houx ? dit Ollya. 
˗    Tu as raison. Toute la forêt sait que le roi-Houx permet de trouver la quiétude et la sérénité. Auprès de lui, on recharge son énergie, et c’est bien ce qui manque à Sire Matière.

 

Le roi-Houx symbolise aussi la pondération et le savoir. Comme il détient certains secrets, il pourrait les aider. 
˗    Oui, oui, reprend Dénothor, organisons donc une rencontre !

 

Le roi-Chêne suggère de contacter le roi-Houx, pour en discuter entre eux, reconnus par tous pour leur sagesse. Il quitte immédiatement la clairière, la laissant désertée un instant, un court instant seulement.  

Bref ! Revenons à notre histoire. 


Comment Mamita, Dame Énergie, et Pépito, Sire Matière, pourraient-ils se sentir heureux, s’accomplir et sourire enfin à la vie ?


Rertrouvons nos ancestres les arbres , ceux-si sont en grande conversation. 


˗    Tu m’apprends que Dame Energie et Sire Matière ne se sentent pas unifiés dans leur intégrité et en souffrent. Que veux-tu que je te dise ? s’interroge le roi-Houx en se grattant la tête à l’aide de ses branches. Je pense mon ami, que nous devons leur laisser du temps pour comprendre ce qui les désole. Nous ne pouvons nous substituer à eux, qu’en penses-tu ? 


˗    Il est vrai, que leur désarroi me touche. Mais tu as raison, dit sereinement le roi-Chêne. Ne brûlons pas les étapes et laissons-leur du temps.

 
Ils se mettent d’accord et reportent la rencontre entre Mamita, Pépito et le roi-Houx qui, avant de se quitter propose au roi Chêne :
˗    Ça te dit une branche party samedi soir ? Emmène le Hêtre et l’Érable, il y aura du compost azoté et de la sève 1000 ans d’âge ! 

 

A l’issue de cette rencontre, le cercle des anciens missionna Yakampatta pour recueillir les idées des autres membres de la forêt. Aussitôt dit, aussitôt fait. Yakampatta partit à la rencontre des nains, des gnomes et des lutins.

 

Oui, mais voilà, voyez-vous, tout ce petit monde est peu intéressé par les ennuis de Mamita et Pépito. Les nains ont fort à faire, à tailler leur roseraie et se protéger du froid pour l’hiver.

 

Les lutins sont à leurs pitreries et les gnomes restent concentrés sur leurs inventions.
˗    Passez votre chemin, messire dragon. Peut-être aurez-vous plus de chance avec le peuple de l’Eau ! dit Nuton, le lutin des Ardennes. 
˗    Ben dis donc ! ces petits êtres de la nature se soucient bien peu de leurs congénères, se dit Yakampatta. 

 

Entêté,  il persiste… Il continue son chemin à la rencontre de Guénon, le gnome des Roches. Il sait que la curiosité de Guénon le pousse à explorer le monde et qu’il est bien plus attentif aux autres que ses congénères. 


Guénon est de petite taille et semble très âgé. Il vit sous la terre et aime par dessus tout découvrir de nouveaux endroits, d’autres univers. D’un naturel optimiste, il observe le monde et le voit comme une énigme, tant par ses différents environnements que par la multitude des êtres qui y évoluent sur terre. Il est un ami très affectueux du peuple minéral. 


Convaincu par Yakampatta, Guénon, le gnome des Roches, va tout naturellement à la rencontre du sage Menhir, de Caillasse la ronchonne et de nos gentilles pierres précieuses. 
˗    Puisque personne ne semble trouver d’idée satisfaisante, je propose d’expliquer la situation à Dame Énergie et Sire Matière en leur disant : « Vous êtes tristes sans savoir pourquoi ! Je vous invite à vivre votre vie en toute conscience !! Que chacun de vos actes soit réalisé avec cœur ! Cela devrait vous rendre heureux ! » Qu’en pensez-vous, mes amis les pierres ? 

 

Le savant Menhir opine du chef :
˗    En effet, cela est juste. Il est vrai que cela peut les aider à prendre conscience de ce qui leur manque réellement. Pendant ce temps là, ils ne s’ennuieront pas, … Mais je te rappelle que Dame Énergie a besoin de matière, et que Sire Matière a besoin d’énergie ! Comment arriveront-ils à cet équilibre parfait ? 


˗    Mouais, chacun chez soi et les vaches seront bien gardées ! s’exclame Caillasse, notre râleuse de service. 


À nouveau, chacun se plonge dans une réflexion profonde, à la recherche d’une solution à cette histoire. 


Yakampatta s’envole et continue sa quête. D’un claquement d’ailes, il se pose au bord de l’eau et attend patiemment qu’une habitante du monde aquatique apparaisse. 


Le peuple de l’eau est essentiellement féminin. Il se compose de nymphes fécondes des eaux douces, d’ondines des rivières, de naïades mutines des fontaines, et de sirènes gracieuses des mers. Les créatures aquatiques sont des amoureuses sensuelles, elles ne songent qu’à séduire. 

 

Alors, comment trouver un peu de place dans les activités de ces dames ? Yakampatta n’a pas plus de chance qu’avec le petit peuple. Il s’en retourne bredouille...
De retour de leur escapade gourmande, Catalina la nymphe, suggère : 
˗    Envoyons Dame Énergie et Sire Matière dans la vallée des Fées, à la cité d’Or, berceau du royaume des êtres de la nature. Là, ils apprendront à mieux se connaître et à se satisfaire de ce qu’ils sont. 
˗    Oui j’entends bien, intervient le roi-Chêne. Toutefois, la vallée des Fées est faite de beaucoup d’énergie, et peu de matière y circule. Possible, que cela convienne à Pépito, mais qu’en sera-t-il pour Mamita ? 

Le silence se fit, instant de réflexion, quand, sortie de nulle part, Dougna la petite souris apparut. Celle-ci fait partie des petits êtres de la forêt, qui grouillent sous les arbres les chatouillant parfois. Dougna observe très attentivement ce qui se passe autour d’elle. Sa force est de tout séparer et de n’examiner qu’un élément à la fois. C’est comme cela que d’une voix fluette elle proposa :
˗    Pourquoi Mamita et Pépito ne se rencontrent-ils pas tout simplement ? 

 

La voix de la raison, voilà ce qu’est Dougna la petite souris !

 

L’assistance est stupéfaite de ne pas y avoir songé plus tôt !

 

A cet instant, tout le monde acquiesce et parle en même temps, se tape sur les cuisses. Les uns lancent des hourrah à tue tête, les autres applaudissent, et d’autres dansent, tellement leur joie est grande.
˗    Alors faisons en sorte, dit le roi-Chêne, que Mamita et Pepito se rejoignent et voyons ce que l’Univers prévoit pour eux ! 

 

Le cercle demande à nos trois jolies nymphes, Séquia, Ollya et Catalina, d’aller chercher Dame Énergie. Guénon, le gnome des Roches, est en charge de récupérer Pépito. 
Mamita et Pépito sont conduits au cœur de la forêt sous le regard bienveillant de l’assemblée, …

 

Nos deux amis se rencontrent pour la première fois. 

 

Le silence règne autour d’eux. Mamita, toute en énergie, se met à danser. Pépito regarde avec une grande curiosité cette flamme filante et virevoltante autour de lui. Il est subjugué. Ils sont attirés l’un vers l’autre. Quand tout à coup un cri assourdissant s’élève.

 

En d’autres temps, il existait un cri de rassemblement perçu uniquement par ceux d’une même communauté. Ce cri était formé par les 2 premières lettres des noms des personnes visées ; en l’occurrence ce cri, dans cette histoire, est PEMA PIMI TOTA.

 

Entendant cela, nos tendres amis reprirent force et vigueur, puis s’envolèrent vers de nouvelles aventures, remplis de joie et d’allégresse.

 

 

En aparté : 
L’énergie est une source inépuisable. Elle se reçoit, se donne et s’échange en permanence, pourvu qu’elle soit canalisée. Elle prend alors diverses formes, sous le contrôle bienveillant de la matière. La matière est différente, c’est une forme condensée d’énergie. La matière contient l’énergie ; quant à celle-ci elle épouse la forme de la matière. Il faut donc un subtil dosage entre ces deux densités pour atteindre un équilibre parfait, sans cesse renouvelé, l’essence même de la vie.


Depuis ce temps-là, on entend, au fond de la forêt, de joyeux chants entonnés de-ci delà et bien souvent cet écho : 
Pema Pimi Tota ou bien Mape Mipi Tato !

À vous de voir, car après tout c’est votre histoire !

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